Mal perçu et mésestimé par les acteurs de la culture que l’on appellera “classique”, le jeu vidéo fait beaucoup pour s’approcher, voire intégrer cette culture. Par petites touches, le jeu vidéo veut gagner en légitimité.
Ainsi, quand l’industrie française du JV met en place une cérémonie de remise des prix (le 9 mars dernier) pour se valoriser auprès du grand public et des institutions, comment le fait-elle ? Elle crée une “Académie des Arts et Techniques du jeu vidéo”, nomme cette cérémonie les “Pégases” (coucou la culture grecque antique), la produit dans un théâtre plein de gens en costume-cravatte noirs et robes de soirée, elle adopte une direction artistique toute en noir et or, distribue de jolies statuettes dorées. Toute ressemblance avec les Césars ou le Festival de Cannes est probablement volontaire.
Côté esport ? On fait le forcing pour intégrer les prestigieux Jeux Olympiques. Avec tous les ratés que cela implique de vouloir s’insérer trop vite dans un carcan qui n’est pas fait pour soi, voir détails un peu plus bas dans cette newsletter.
Alors des questions se posent : singer les codes de la culture institutionnelle pour légitimer le jeu vidéo, n’est-ce pas un aveu de faiblesse ? N’est-ce pas dire au monde qu’on n’est pas capables de valoriser notre média avec nos propres codes ? N’est-ce pas nier les spécificités du jeu vidéo, ce qui le rend unique vis-à-vis des autres médias et arts ? Les scènes esportives ne pourraient-elles pas créer leurs propres Jeux Olympiques, détachés du CIO ?
À moins que… à moins que se rapprocher des codes et institutions que le public connait déjà ne soit la seule façon efficace de légitimer le jeu vidéo ?
Bon questionnement et bonne lecture,
– Niki
L’actu Atelier Pop Culture et Ludistart
Du 10 au 12 mars avait lieu le festival Press Play de Colomiers. Pour cette première édition de ce festival de l’image animée, j’ai eu le plaisir de mettre en place :
- une salle d’arcade dans un cinéma
- une journée de jeux retro et actuels à la médiathèque (avec un tournoi de Them’s Fightin’ Herds, un jeu de baston officieux de Petits Poneys, rendez-vous compte !)
- la modération de deux conférences avec les auteurs des jeux Tinykin et Blanc
Très beau programme pour ma part, sans compter le reste de la programmation évidemment. C’était absolument génial, et il me semble que le festival ait été une véritable réussite !
Ce mois-ci j’ai joué à…
Genre : plateforme
Studio : Casus Ludi & Rémi Gourrierec
Éditeur : Gearbox Publishing
Prix : 14,99 €
Joué sur : Switch, dispo sur PC
PEGI : 3
Blanc est un jeu d’aventure coopératif. Jouable à seul ou à deux, il vous fait prendre en main un louveteau et/ou un faon, perdus dans un paysage enneigé.
D’abord méfiants l’un envers l’autre, nos deux protagonistes vont rapidement devoir s’entraider pour traverser les obstacles dans de superbes niveaux tout en noir et blanc. Cours d’eau, rochers, souches d’arbres, murs, grillages… bébé canidé et bébé cervidé doivent se frayer un chemin ensemble pour suivre les traces et retrouver leurs familles respectives.
Blanc est globalement très accessible aux joueurs débutants. Les commandes sont rapides à prendre en main, en deux boutons. Le saut n’est pas libre, mais guidé (comme dans Stray), vous ne pourrez sauter que lorsque le jeu vous le permet. Les puzzles sont très abordables (et très mignons, notamment la rencontre d’une petite famille de canards) et comme le reste du jeu se résolvent en jouant ensemble. Seule la caméra pourra parfois gêner la progression dans les paysages enneigés dès lors que nos deux comparses s’éloignent un peu trop l’un de l’autre.
Ce n’est donc pas de la difficulté et du défi qu’il faut attendre de Blanc, mais plutôt un moment de partage entre deux joueurs, le temps d’un après-midi (comptez deux heures environ pour finir le jeu) dans un paysage sublime et poétique accompagné d’une jolie musique.
Blanc est un jeu qui n’a qu’un seul objectif : réunir un duo joueur/non-joueur (parent/enfant par exemple) et le faire jouer en coopération le temps d’une aventure courte, jolie, sans trop de difficulté. Pari réussi.
Un peu d’actu
– Ça date d’il y a trois ans mais je suis tombé dessus il y a quelques jours, c’est donc un peu mon actu à moi : cette réinterprétation des musiques de Super Mario Bros. accompagnée d’une superbe prestation d’une danseuse de claquettes. Je vous laisse apprécier !
– Les Olympic Esport Series sont une suite de compétitions esport mise en place par le comité olympique. De là à dire qu’il s’agit “d’esport aux Jeux Olympiques” il n’y a qu’un pas. Et tout récemment, la liste des jeux proposés en compétition a été révélée. Évidement, cette liste de jeux quasi inconnus, à l’intérêt relatif, voire très discutable (des échecs en numérique, vraiment ?) suscite pas mal de réactions. Avec parfois quelques analyses intéressantes de la part d’observateurs sur le pourquoi du comment.
– Dans la catégorie des jeux amateurs, voici Rogue City. Son créateur a utilisé le moteur de Doom II et l’a modifié pour créer un jeu de tir à la première personne se déroulant dans l’univers de Batman. Criminels, voitures de police, Batarang, tout le nécessaire est là pour combattre le crime dans la peau du Chavalier Noir… dans Doom II !
Dans les médias
L’art de la photographie dans le jeu vidéo
C’est sur le site de Redbull que j’ai trouvé cet excellent article sur la photographie et le jeu vidéo. Il y aborde de manière synthétique mais néanmoins assez complète les liens entre les deux arts, du mode photo à la place de l’appareil dans le jeu en tant que mécanique de gameplay.
L’IA qui est en train de casser Rocket League
Ego, c’est la nouvelle chaîne YouTube qui monte qui monte et qu’il faut suivre.
Lancée par un passionné de Rocket League, la chaîne traite des sujets un peu plus variés au fur et à mesure que la chaîne prend de l’ampleur. Mais dans cette vidéo, on revient aux fondamentaux, et le vidéaste aborde via une écriture brillante les liens entre jeu vidéo et intelligence artificielle.
Huit jeux vidéo coopératifs
Le sujet est régulièrement soulevé en médiathèque et ludothèque : quels jeux multi en coop proposer aux usagers ?
Le Monde vous invite à tester sa sélection, que vous trouverez dans cet article.
Une p’tite anecdote pour terminer ?
Le MoMA (Museum of Modern Art) est un musée d’art moderne et contemporain situé à New York. Bénéficiant d’une forte réputation, le MoMA a une place importante dans le monde de la culture.
Et depuis 2013, il expose des jeux vidéo comme œuvres d’art ! Écrans pour présenter le contenu du jeu, exposition du code source, contextualisation, travail de conservation… les jeux sont intégrés au sein de la collection Architecture et Design et traités avec le même sérieux que les autres œuvres exposées dans le musée, malgré les difficultés techniques et légales.
S’il n’est pas très surprenant d’y trouver Pong, Pac-Man ou Tetris tant ils sont des icônes historiques de culture populaire et vidéoludique, d’autres jeux plus récents sont aussi de la partie.
Snake (oui oui, celui qu’on avait sur nos téléphones Nokia 3310, vous vous souvenez ?), Minecraft, Dwarf Fortress, et même Portal, jeu cher à mon cœur, y ont leur place.
Enfin, et on n’est pas peu fiers, on y trouve aussi Another World, jeu d’action-aventure français, développé par Eric Chahi et édité par feu Delphine Software en 1991.
Et c’est ainsi qu’on boucle avec l’intro, où on parlait légitimation du jeu vidéo. Le choix de ce musée d’exposer des jeux n’est pas sans conséquence sur le regard que portent le public et les institutions sur les œuvres vidéoludiques… même si du chemin reste à parcourir !
Bon mois de mars à tous, on se retrouve début avril !